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Mois : février 2018

Où un clou retors permet de comprendre le processus d’assemblage de la Grande châsse

Où un clou retors permet de comprendre le processus d’assemblage de la Grande châsse

Après une première année de travail, les reliefs en argent de la Grande châsse de saint Maurice sont entièrement déposés. Tous ? Non ! Car une tôle d’argent fixée par un irréductible clou résiste encore et toujours aux restaurateurs. Si, à première vue, ce clou pourrait poser problème dans le processus de restauration, il s’avère être une aubaine pour la compréhension de l’histoire matérielle de la Grande châsse.

Le clou concerné ne peut être retiré car sa tête est recouverte par une pièce de bois marquant le début du toit. Comment ce clou a-t-il pu être planté là sans laisser de marques sur le bois qui le recouvre ? Tout simplement parce que ce clou – tout comme les autres clous et les ornements – ont été positionnés avant que le toit ne vienne condamner la châsse et les reliques qu’elle contient. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que le toit n’est solidaire, du reste de la caisse, que par deux longs clous en fer. Ceux-ci traversent les tôles d’argent et le faîte du toit pour venir se ficher au sommet des deux pignons. Tout le reste de l’interface est laissé libre, preuve en est la possibilité de glisser un papier tout le long de l’assemblage.

Ces indices nous renseignent sur l’ordre général des opérations d’assemblage de la Grande châsse. L’âme en bois a été constituée de deux parties indépendantes : la caisse et le toit. Celles-ci ont reçu différents reliefs et gemmes provenant du remploi de plusieurs objets antérieurs. Les reliques sont ensuite déposées dans le coffre, le toit positionné, puis condamnées par les deux longs clous en fer. Quelques éléments sont encore placés à cheval sur l’interface entre la caisse et le toit pour terminer le reliquaire. La Grande châsse de saint Maurice a donc été pensée et fabriquée de sorte à ne pas être visitée ! Il faudra attendre la découpe d’une trappe sous la châsse pour qu’une première visite des reliques soit effective à la fin du XVIe siècle.